mercredi 19 décembre 2007

Leçons de Polokwane

C’est fait !!! Jacob Gedleyihlekisa Zuma est le nouveau président du Congrès National Africain (ANC). Selon une tradition vieille de… treize ans il pourrait être le prochain Président de la République Sud Africaine. Face à cette donne, les analyses des observateurs varient, ils soulignent tantôt la vitalité démocratique de la doyenne des organisations politiques africaines et d’autres fois les dangers qui guettent la nation arc-en-ciel avec l’élection d’un « tribun populiste, misogyne et corrompu ». La presse française et francophone – contrairement aux média anglophones -reste par contre assez peu loquace sur le sujet. Moi qui vis en France et qui a reçu des coups de fils et des mails en provenance d’Afrique francophone, Sénégal notamment, pour discuter de la dernière conquête féminine de Sarkozy reste orphelin de commentaires de mes compatriotes sur cette question du leadership au sein de l’ANC. C’est donc dire la déconnection des élites et des médias africains francophones par rapport à la donne économique dans leur environnement. Ne nous y trompons ce qui se passe au pays de Nelson Mandela nous concerne plus que les aventures sentimentales du Président français.

Il faut que je confesse mon faible pour Thabo Mbeki l’Homme qui a aidé la Côte d’Ivoire à sortir de la crise à elle imposée. Il fallait bien trouvé les arguments pour convaincre le Président Gbagbo et tous les démocrates et patriotes ivoiriens de la nécessité de prendre à leur propre jeu la coalition qui les a attaqué avec la plus grande violence au prétexte d’instauré un régime de liberté. Il a réussi cela malgré les récriminations et autres chausses trappes d’un Président français –Jacques Chirac- qui prétendais maîtriser l’âme ouest africaine sans connaître un seul mot d’une quelconque langue de cette partie du continent.

Pour en revenir au congrès de l’ANC, le stratège Thabo Mbeki a de mon point de vu au cour de la bataille de Polokwane péché par tansparence. Sa première erreur aura été de dire urbi et orbi qu’il était respectueux des normes constitutionnelles et que partant il ne briguerait pas de nouveau mandat à la tête de l’état sud africain. Non content de dire qu’il n’était pas candidat à un nouveau mandat de Président de la République il a affirmé que s’il était élu à la tête du parti se serait pour favoriser l’élection d’une femme à la tête du pays. Après ces « aveux » la coalition de ces adversaires ne pouvait que grossir. Ils ont du être nombreux à se demander pourquoi voter pour quelqu’un qui a plus brève échéance ne serait pas forcément en position de renvoyer l’ascenseur. Le karatéka et ancien du bagne de Roben Island Mosima Gabriel « Tokyo » Sexwale, l’ancien dirigeant syndicaliste et négociateur pour la constitution du pays Cyril Ramaphosa, le nouveau vice-président du parti Kgalema Motlanthe qui ont tous des ambitions présidentielles ont dû se dire que Jacob Zuma est leur avenir. Contrairement à Jacob Zuma qui a promis quelque chose à toute les composantes et aux personnalités de premier plan du parti , Thabo Mbeki a tôt fait de verrouiller toutes les portes. In fine même la Ligue des femmes de l’ANC n’a pas voulu retenir que Mbeki préconisait dans les instances de décisions du parti une parité de genre.
S’il est vrai que l’on peut opposer l’exubérance de Zuma à l’introspection de Mbeki, il devient- par contre - hasardeux de présenter l’un comme représentant des pauvres et l’autre comme le champion d’une quelconque aristocratie. La politique économique menée par le pouvoir de Thabo Meki depuis la fin de l’apartheid a consisté à maintenir les investissements privés étrangers dans le pays. Le pari en était qu’un cycle vertueux de croissance - induit par les investissements publics et privés - ne manquerait pas de sortir le plus grand nombre des habitants du pays de la pauvreté. La pauvreté a reculé dans le pays et une classe moyenne noire a émergée. Malheureusement la croissance économique n’a pas encore profité à une frange importante de la population qui voyait en la fin de l’apartheid le moyen d’accéder à une vie plus digne. Jacob Zuma a su capitaliser le mécontentement de la gauche du parti.

Thabo Mbeki a voulu peser sur le devenir du pays en étant l’inspirateur de l’amélioration qualitative que pourrait constituer l’émergence d’un leadership féminin. Il a préféré connaître la défaite plutôt que de voir son parti prendre un virage qui lui parait périlleux.Pour le moment il semble en échec mais rien ne dit que cela soit la fin de l’histoire. Big up et maximum respect à lui !!!!

vendredi 2 novembre 2007

Saisir la chance




La santé des africains n’a jamais été aussi présente dans l’agenda mondial. Des célébrités tels que le chanteur des U2 Bono se servent de leur notoriété pour sensibiliser les populations occidentales aux des ravages que font les épidémies en Afrique. D’autres à l’instar de star congolaise du basket NBA Dikembé Mutombo ou le footballeur nigérian Nwanko Kanu mobilisent des millions de dollars pour construire des infrastructures sanitaires dans leurs pays d’origines.Des personnalités politiques de tout premier comme l’ancien Président des USA Bill Clinton mettent leur influence et leur notoriété au service de la lutte contre des fléaux sanitaires qui touchent l’Afrique. La communauté internationale s’est donnée jusqu’à 2015 pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), dont trois concernent directement la santé. Réuni au Sommet de Gleneagles (Ecosse) en juillet 2005, le Groupe des huit pays les plus industrialisés (G8) a déploré le recul de l’espérance de vie en Afrique et s’est engagé à continuer à appuyer les stratégies africaines visant à améliorer la santé, l’éducation et la sécurité alimentaire. Cet élan de solidarité a d’autant plus de succès que la mondialisation accroît le risque de voir des cas isolés de maladies telles que le SRAS et la grippe aviaire se propager à toute la planète.
Les dirigeants africains ne sont pas en reste dans cette mobilisation puisque réunis à Abuja en avril 2001 ils ont déclarés que la pandémie du VIH/SIDA constituait un état d’urgence sur le continent. Ils se sont dits convaincus que « maîtriser et vaincre l’épidémie de VIH/SIDA, de tuberculose et des autres maladies infectieuses » devront constituer leur « priorité majeure pendant le premier quart du vingt unième siècle » ils s’engageaient également à consacrer au moins 15% de leur budget annuel à la santé. De même dans la stratégie sanitaire qu’ils ont rédigé en 2002 les gouvernements africains du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) dénoncent la lourde charge des maladies qui causent de nombreux décès et des souffrances indicibles, alors qu’elles pourraient être prévenues et soignées.
Ce contexte international favorable draine vers le secteur de la santé d’importante somme d’argent. Depuis 1990 l’aide au développement destinée au secteur de la santé n’a cessé d’augmenter passant de 2 milliards de dollars cette année à près de 12 milliards de dollars en 2004, l’essentiel de cette hausse s’étant produite depuis 2001. Il est maintenant reconnu que l’investissement dans la santé favorise le développement économique ce qui constitue en soi une révolution idéologique.
Cet élan mondial en faveur de la santé en Afrique doit, pour être couronné de succès, rompre avec certaines pratiques du passé : la mal gouvernance des récipiendaires et le complexe du drapeau des donateurs. Au niveau des pays récipiendaires les autorités doivent travailler à garantir un système de santé efficace ayant des recettes suffisantes et ceci de façon durable, équitable .Cette quête d’équité et de justice passe obligatoirement par, si ce n’est une socialisation des dépenses de santé, la gratuité des soins pour les plus pauvres.Pour les donateurs il faudra rompre avec la multiplication des initiatives centrées sur les problèmes sanitaires les plus médiatiques. Il faudra bien prendre en compte la complexité du secteur sanitaire qui fait que toute action pour être efficace doit s’inscrire ans la durée et les besoins des pays qui peuvent aller l’expertise à l’aide budgétaire.
IL faut saisir la chance de cet environnement mondial favorable à la santé.Les enjeux sont grands tant pour des raisons humanitaires, économiques que pour la sécurité du monde.

mercredi 17 octobre 2007

A quoi joue l'OMS

Le 28 mars 2007 l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) annonçait dans une de ces opérations de communication dont elle a le secret que la circoncision avait un impact positif sur la prévention du VIH.En se basant sur les résultats de trois essais contrôlés randomisés et d’autres informations sur l’efficacité, la sûreté et l’acceptabilité de la circoncision l’OMS affirme que « la circoncision doit être reconnue comme une mesure efficace de prévention du VIH. Il faut considérer la promotion de la circoncision comme une nouvelle stratégie importante de prévention de la transmission hétérosexuelle du VIH de la femme à l’homme. » Dans la suite de son propos l’organisation onusienne nous dira que la circoncision ne protège pas complètement contre le VIH mais que les services de santé doivent être renforcés pour élargir l’accès à des services surs de circoncision et que des ressources supplémentaires doivent être mobilisées pour financer l’expansion de cette activité. Dans les pays qui connaissent des épidémies généralisée ou des hyper endémies de VIH et une faible prévalence de la circoncision, l’OMS recommande que celle-ci devienne une activité prioritaire en direction des adolescents et des jeunes gens et les hommes âgés qui courent un risque particulièrement élevé.Et pour finir l’OMS faisait une série de recommandations tendant toutes à assurer la mise en place des bonnes pratiques de circoncision.

Il y a plus d’une décennie le Professeur Papa Touré titulaire à l’époque de la chaire de cancérologie de la faculté de Médecine, Pharmacie et Ondonto-stomatologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar m’enseignait le rôle protecteur dans le cancer du pénis et aussi dans d’autres pathologies infectieuses de la circoncision.Mon maître soulignait citant en cela un passage biblique que, depuis plusieurs millénaires ce rôle était connu. Le contexte idéologique, la réalité épidémiologique et aussi sa pratique clinique ont sans doute pesé dans le choix du Professeur Touré de ne point insister sur les controverses qu’ont nourris au fils du temps la circoncision. Dans la littérature médicale il existe des courants contestant fortement le rôle bénéfique de la circoncision. A la rescousse de ce courant médical on retrouve des psychanalystes qui ne voient en la circoncision qu’une manière d’imposer à l’enfant l’ordre patriarcal en altérant sa faculté naturelle à se positionner face aux parents.

La distribution de la circoncision au sein des communautés humaines qui peuplent notre planète est complexe et dépasse largement le cadre religieux ou les continents et transcende les nations. La majorité des juifs et des musulmans , des chrétiens d’Afrique de l’ouest et du centre et Philippins,des adeptes des religions traditionnelles du Golfe de Guinée,des Xhosas d’Afrique du Sud ,des laïcs japonais et coréens du sud ont en commun d’être circoncis et se différencient si l’on ne considère que ce critère des sikhs indiens , des catholiques et des laïcs d’Europe occidentale ,de la majorité des bouddhistes et des confucianistes et des habitants des pays comme la Zambie, le Zimbabwe. Il existe une tradition médicale de circoncision « hygiénique » datant de l’Angleterre victorienne qui bien qu’en déclin concerne 60% des garçons américains. Au sein d’ethnies africaines pratiquant la circoncision il existe parfois des lignées familiales dispensées de ce rituel.La circoncision a une forte connotation culturelle, religieuse et symbolique.
Depuis quelques décennies empruntant la vague de fonds qui amènent les populations africaines vers la médecine allopathique, la circoncision est de plus en plus pratiquée par les professionnels de la santé.Des millions de jeunes garçons échappent de la sorte aux pratiques ancestrales qui consistent dans certains cas à appliquer sans aucune analgésie et dans des conditions d’hygiène douteuses un coup sec de couteau sur le prépuce. Cette médicalisation croissante a sauvé de nombreuses vies.On circoncis son fils au dispensaire puis on organise le rituel initiatique au domicile familial ou au bois sacré. Pour avoir circoncis une bonne centaine d’enfants d’un quartier populaire de Dakar marqué par son cosmopolitisme je crois avoir perçu ce qui m’étais demandé : mettre mes connaissances de chirurgie au service d’un rituel ancestral qui peut se passer de moi. La directrice du centre de santé, religieuse espagnole bon teint avec une quarantaine d’années d’expériences dans son ordre et dans le secteur de la santé a cherché les moyens pour que la pratique se fasse à un coût supportable pour nos clients.Cette activité que nous avons voulu routinière revenait quand même très chère pour une unité de première ligne comme la notre.Elle mobilisait beaucoup de ressources humaines, nécessitait un matériel adéquat pour éviter toute iatrogénie.
La recommandation de l’OMS qui vise à rendre universelle et prioritaire la circoncision au motif de lutte contre le VIH ne va pas sans poser quelques interrogations.A suivre la logique de l’organisation il faudrait dans l’urgence circoncire des millions de nourrissons, enfants, adolescents et adultes en Afrique Australe. Pour réussir un tel pari plus d’une campagne de communication, un investissement massif dans la formation des personnels de santé pour s’assurer des bonnes pratiques de circoncision seront nécessaires. Quelle va être le coût -efficacité d’une telle stratégie ?
D’autre part après deux décennies de promotion du préservatif masculin le taux d’utilisation de celui-ci lors des rapports sexuels avec des partenaires occasionnels dépasse rarement les 40% dans de nombreux pays.Beaucoup de personnes continuent de penser que leurs attributs ou leur statut les préservent de toute contamination par le VIH et que le sida est la maladie des autres. Dans de nombreuses enquêtes il revient que seuls le tiers des 15-24 ans de nombreux pays africains ont une bonne connaissance des moyens de prévention.On a entendu il y a quelques mois une personnalité de tout premier plan affirmer au cours d’un procès qu’une bonne douche après un rapport sexuel non protégé avec une séropositive était de nature à éviter toute contamination par le VIH. Le discours de prévention du VIH a du mal a passé, a être entendu et a être intégré pour permettre les changements de comportements. Quelle est la pertinence à dire dans ce contexte qu’il existe un nouveau moyen qui protège tout en ne protégeant pas totalement ? Que va-t-on entendre dans les pays où la circoncision est généralisée ? Les bonnes pratiques édictées par l’OMS notamment en ce qui concerne le consentement éclairé ne vont-elles éloignées des dispensaires de nombreuses familles ? Peut-on faire la promotion de la circoncision néonatale et exigé le consentement libre et éclairé pour les jeunes garçons comme le recommande l’OMS ?
Il est indéniable que les travaux des équipes de l’Agence nationale française de recherche sur le SIDA (ANRS) et des National Institutes of Health (NIH) des USA sur lesquels se base l’OMS constituent un progrès dans la connaissance de la transmission du VIH. Ce progrès peut-il servir de socle à une politique de santé publique efficace dans la lutte contre le VIH/SIDA ? Personnelement j'en doute.