Le 28 mars 2007 l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) annonçait dans une de ces opérations de communication dont elle a le secret que la circoncision avait un impact positif sur la prévention du VIH.En se basant sur les résultats de trois essais contrôlés randomisés et d’autres informations sur l’efficacité, la sûreté et l’acceptabilité de la circoncision l’OMS affirme que « la circoncision doit être reconnue comme une mesure efficace de prévention du VIH. Il faut considérer la promotion de la circoncision comme une nouvelle stratégie importante de prévention de la transmission hétérosexuelle du VIH de la femme à l’homme. » Dans la suite de son propos l’organisation onusienne nous dira que la circoncision ne protège pas complètement contre le VIH mais que les services de santé doivent être renforcés pour élargir l’accès à des services surs de circoncision et que des ressources supplémentaires doivent être mobilisées pour financer l’expansion de cette activité. Dans les pays qui connaissent des épidémies généralisée ou des hyper endémies de VIH et une faible prévalence de la circoncision, l’OMS recommande que celle-ci devienne une activité prioritaire en direction des adolescents et des jeunes gens et les hommes âgés qui courent un risque particulièrement élevé.Et pour finir l’OMS faisait une série de recommandations tendant toutes à assurer la mise en place des bonnes pratiques de circoncision.
Il y a plus d’une décennie le Professeur Papa Touré titulaire à l’époque de la chaire de cancérologie de la faculté de Médecine, Pharmacie et Ondonto-stomatologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar m’enseignait le rôle protecteur dans le cancer du pénis et aussi dans d’autres pathologies infectieuses de la circoncision.Mon maître soulignait citant en cela un passage biblique que, depuis plusieurs millénaires ce rôle était connu. Le contexte idéologique, la réalité épidémiologique et aussi sa pratique clinique ont sans doute pesé dans le choix du Professeur Touré de ne point insister sur les controverses qu’ont nourris au fils du temps la circoncision. Dans la littérature médicale il existe des courants contestant fortement le rôle bénéfique de la circoncision. A la rescousse de ce courant médical on retrouve des psychanalystes qui ne voient en la circoncision qu’une manière d’imposer à l’enfant l’ordre patriarcal en altérant sa faculté naturelle à se positionner face aux parents.
La distribution de la circoncision au sein des communautés humaines qui peuplent notre planète est complexe et dépasse largement le cadre religieux ou les continents et transcende les nations. La majorité des juifs et des musulmans , des chrétiens d’Afrique de l’ouest et du centre et Philippins,des adeptes des religions traditionnelles du Golfe de Guinée,des Xhosas d’Afrique du Sud ,des laïcs japonais et coréens du sud ont en commun d’être circoncis et se différencient si l’on ne considère que ce critère des sikhs indiens , des catholiques et des laïcs d’Europe occidentale ,de la majorité des bouddhistes et des confucianistes et des habitants des pays comme la Zambie, le Zimbabwe. Il existe une tradition médicale de circoncision « hygiénique » datant de l’Angleterre victorienne qui bien qu’en déclin concerne 60% des garçons américains. Au sein d’ethnies africaines pratiquant la circoncision il existe parfois des lignées familiales dispensées de ce rituel.La circoncision a une forte connotation culturelle, religieuse et symbolique.
Depuis quelques décennies empruntant la vague de fonds qui amènent les populations africaines vers la médecine allopathique, la circoncision est de plus en plus pratiquée par les professionnels de la santé.Des millions de jeunes garçons échappent de la sorte aux pratiques ancestrales qui consistent dans certains cas à appliquer sans aucune analgésie et dans des conditions d’hygiène douteuses un coup sec de couteau sur le prépuce. Cette médicalisation croissante a sauvé de nombreuses vies.On circoncis son fils au dispensaire puis on organise le rituel initiatique au domicile familial ou au bois sacré. Pour avoir circoncis une bonne centaine d’enfants d’un quartier populaire de Dakar marqué par son cosmopolitisme je crois avoir perçu ce qui m’étais demandé : mettre mes connaissances de chirurgie au service d’un rituel ancestral qui peut se passer de moi. La directrice du centre de santé, religieuse espagnole bon teint avec une quarantaine d’années d’expériences dans son ordre et dans le secteur de la santé a cherché les moyens pour que la pratique se fasse à un coût supportable pour nos clients.Cette activité que nous avons voulu routinière revenait quand même très chère pour une unité de première ligne comme la notre.Elle mobilisait beaucoup de ressources humaines, nécessitait un matériel adéquat pour éviter toute iatrogénie.
La recommandation de l’OMS qui vise à rendre universelle et prioritaire la circoncision au motif de lutte contre le VIH ne va pas sans poser quelques interrogations.A suivre la logique de l’organisation il faudrait dans l’urgence circoncire des millions de nourrissons, enfants, adolescents et adultes en Afrique Australe. Pour réussir un tel pari plus d’une campagne de communication, un investissement massif dans la formation des personnels de santé pour s’assurer des bonnes pratiques de circoncision seront nécessaires. Quelle va être le coût -efficacité d’une telle stratégie ?
D’autre part après deux décennies de promotion du préservatif masculin le taux d’utilisation de celui-ci lors des rapports sexuels avec des partenaires occasionnels dépasse rarement les 40% dans de nombreux pays.Beaucoup de personnes continuent de penser que leurs attributs ou leur statut les préservent de toute contamination par le VIH et que le sida est la maladie des autres. Dans de nombreuses enquêtes il revient que seuls le tiers des 15-24 ans de nombreux pays africains ont une bonne connaissance des moyens de prévention.On a entendu il y a quelques mois une personnalité de tout premier plan affirmer au cours d’un procès qu’une bonne douche après un rapport sexuel non protégé avec une séropositive était de nature à éviter toute contamination par le VIH. Le discours de prévention du VIH a du mal a passé, a être entendu et a être intégré pour permettre les changements de comportements. Quelle est la pertinence à dire dans ce contexte qu’il existe un nouveau moyen qui protège tout en ne protégeant pas totalement ? Que va-t-on entendre dans les pays où la circoncision est généralisée ? Les bonnes pratiques édictées par l’OMS notamment en ce qui concerne le consentement éclairé ne vont-elles éloignées des dispensaires de nombreuses familles ? Peut-on faire la promotion de la circoncision néonatale et exigé le consentement libre et éclairé pour les jeunes garçons comme le recommande l’OMS ?
Il est indéniable que les travaux des équipes de l’Agence nationale française de recherche sur le SIDA (ANRS) et des National Institutes of Health (NIH) des USA sur lesquels se base l’OMS constituent un progrès dans la connaissance de la transmission du VIH. Ce progrès peut-il servir de socle à une politique de santé publique efficace dans la lutte contre le VIH/SIDA ? Personnelement j'en doute.
mercredi 17 octobre 2007
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